Petites notes de 2022
L’émission Langues de fronde est une émission féministe qui existe sur les ondes de Fréquences Paris Plurielles (FPP 106.3 FM) depuis 2013. Elle est portée par un collectif non mixte (meufs gouines trans) de 5 à 10 personnes selon les saisons. C’est une émission généraliste mensuelle qui traite d’une grande diversité de sujets sous un angle féministe. Nous invitons régulièrement des personnes à témoigner ou développer leur expertise ou leur expérience mais nous aimons bien aussi réaliser des reportages, des créations sonores, des chroniques, des documentaires,…
Nous abordons les questions sociales et l’actualité des luttes féministes en essayant de nous faire l’écho de luttes de travailleuses, de la place des femmes dans des syndicats, de luttes féministes dans d’autres pays auxquels nous sommes liées. Nous nous attachons autant à l’aspect militant qu’à la recherche, en invitant des personnes à présenter leurs œuvres théoriques comme outils d’analyse de la société.
Langues de Fronde attache une importance particulière à la question du corps, de l’intime et du privé dans la lignée des féminismes de la seconde moitié du vingtième siècle, avec des thèmes tels que la voix, la langue, l’âge, l’amitié, les sexualités, le chez-soi, les liens familiaux… Plus particulièrement, la chronique « J’ai des corps à vous dire » est un dispositif qui accueille, à chaque émission, la parole d’un collectif d’un trentaine de femmes qui témoignent de leur rapport au corps sous diverses modalités de création (sur notre blog et sur le soundcloud).
Enfin, Langues de Fronde se penche, d’un point de vue féministe, sur des thématiques générales en abordant, par exemple, les questions de genre dans la musique, la littérature jeunesse, le théâtre, la poésie…
Le dispositif permet donc l’expression d’une diversité de points de vue à l’image de l’hétérogénéité du collectif qui porte l’émission, toujours disposé à accueillir les propositions extérieures.
Petites notes de 2013
C’est assez difficile, pour nous, de répondre à cette question, étant donné que nous sommes 4 à commencer le voyage, mais que nous espérons être plus à l’arrivée !
Néanmoins, nous pouvons dire que nous nous considérons comme féministes. Et le féminisme pour nous c’est le combat des femmes, gouines et trans pour elles/eux mêmes, et contre le sexisme et l’hétéro-patriarcat.
Le sexisme, c’est le système qui divise les humain-e-s en deux catégories hommes et femmes et qui en même temps les hiérarchise, plaçant les hommes au-dessus des femmes. Dans ce système les personnes nées intersexes et les personnes trans ne sont pas reconnues, considérées comme des erreurs de la “nature” ou des personnes anormales. L’hétéro-patriarcat, qui fait partie du système sexiste, est l’organisation de la société où les hommes détiennent le pouvoir et le monopole de tous les espaces, que ce soit la famille, la politique, l’appareil gouvernemental, les médias, la rue, etc… Et en plus de vouloir nous faire taire et décider pour nous, ils veulent nous contraindre à n’avoir que des relations hétérosexuelles, un homme avec une femme, et leur ordre sera bien gardé ! Bien sûr, cela va avec la stigmatisation des homo et bisexuel-e-s (on les considère comme “pas normaux et pas normales”).
C’est contre tout cela que nous voulons nous battre, pensant que ce combat ne se gagnera que par la lutte des meufs, gouines et trans, qui leur permettra de s’émanciper !
De plus, pour nous le féminisme s’inscrit dans un cadre globale de lutte contre toutes les dominations et les exploitations, par une remise en cause du système actuel et de nos pratiques quotidiennes. La lutte et la solidarité sont aussi pour nous sans frontières !
La non-mixité ?
La non-mixité, c’est quand on se retrouve entre personnes d’un même groupe social autodéfini ou imposé (les femmes, les personnes âgées, les riches…). Elle peut être subie (quand on nous oblige a être entre nous, comme lors des Apartheid par exemple) ou choisie, parce qu’on en a envie. Celle-ci est parfois désirée dans une optique de lutte : c’est la non-mixité politique.
La non-mixité politique, c’est un outil de lutte, qui consiste à s’organiser entre personnes se reconnaissant un but ou une identité commune, qui va donc être revendiquée comme telle, même si cela ne veut pas dire que cette catégorisation (le fait de considérer des personnes comme faisant partie d’un même groupe) a été choisie, elle peut être subie (comme lorsque l’on t’impose un genre). Cet outil a été/est utilisé par de nombreux groupes de personnes, que ça soit des ouvrier-e-s luttant contre leur patron-ne-s, des noir-e-s luttant contre le racisme et pour leurs libertés, des personnes homosexuelles luttant contre l’hétéro-normalité, etc… Elle a bien sûr aussi été utilisée par des femmes et personnes trans, luttant contre le sexisme, l’hétéro-patriarcat… et l’est toujours aujourd’hui !
Dans tous les cas, ces personnes luttent contre une forme de domination, qu’elle soit économique, raciste, sexiste…Le principe de se réunir en non-mixité est donc de se retrouver avec des personnes subissant la même domination (même si au sein de ces espaces non-mixtes il peut subsister d’autres dominations !), sur la base de l’expérience (il y a des choses que les personnes blanches n’ont jamais vécues, tout simplement, ce qui justifie le désir de personnes racisées de se rassembler entre elles, pour pouvoir parler de ce vécu, et combattre leur domination).
Contrairement aux autres non-mixités, la non-mixité meufs gouines trans est très souvent attaquée, considérée comme « excluante » ou même « sexiste ». Pourtant, l’objet du féminisme n’est pas une lutte contre les hommes, mais bien une lutte pour et par les femmes, gouines, trans. Ces personnes sont celles qui subissent la domination masculine, c’est donc principalement à elles de s’organiser et de lutter contre ce système et pour leur émancipation, et elles n’ont pas forcément envie de le faire en compagnie de leurs oppresseurs (même s’ils se considèrent comme anti-sexistes). La non-mixité peut permettre de créer un espace plus sécurisé, où il est plus facile de s’exprimer sans se faire couper la parole toutes les deux secondes, où les principales intéressées peuvent se soutenir, échanger sur leurs expériences, créer de nouvelles solidarités, et construire collectivement leur lutte.
La non-mixité !
Nous avons fait le choix de proposer et construire cette émission dans un cadre non-mixte, c’est à dire entre meufs, gouines et personnes trans.
Ainsi, toute l’émission sera conçue par des meufs, des gouines et des personnes trans, et ce de la préparation à la technique ! Et la parole ne sera donnée qu’à ces personnes, considérant que celles-ci ont aujourd’hui peu d’espaces d’expression et que les hommes…en ont bien assez !